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christophe-cUn entretien très richement et très bien illustré avec Christophe Courteau, photographe animalier connu et reconnu, qui répond aux questions pertinentes de Paul Casabianca, membre de Wilipi. 

Question 1 : L’inévitable présentation ! Même si on peut penser, comme Pascal, que « le moi est haïssable », il est difficile de ne pas y sacrifier. Donc, dis-nous qui tu es, comment tu as entrepris ton activité de photographe animalier, qui (je crois le savoir) n’était pas ta formation de départ. Alors, quel a été le facteur déclenchant ?

Comme la plupart de mes confrères, petit garçon, je voulais devenir trappeur au Canada, puis finalement photographe animalier, ou alors cinéaste animalier car j’adorais regarder l’émission « Caméra au poing », et je me disais aussi que quand je serai grand, je ferai partie de l’équipe du Commandant Cousteau, les aventures de la Calypso à travers le monde me faisaient tellement rêver…

J’ai grandi en Berry, certes loin de la mer et de la Calypso mais dans une très belle campagne, au cœur d’un bocage presque intact à l’époque. J’ai toujours aimé me balader avec ma paire de jumelles et mon appareil photo. Puis j’ai fait des études de biologie, de géographie et d’aménagement à l’Université de Rennes et à l’Institut de Géographie de Tours. J’ai ensuite passé un peu de temps dans un organisme de recherche en agriculture, le CEMAGREF. Malgré un bon salaire et des conditions de travail confortables, j’ai très vite compris que l’univers des laboratoires, les réunions avec des chefs de services, tout ça n’était pas pour moi et j’ai définitivement pris le risque ultime : la liberté du photographe ! J’étais amateur passionné depuis bien longtemps, mais j’ai décidé au fil des opportunités de me professionnaliser.

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Une des opportunités, c’est mon ami Gilles Martin qui me l’a offerte, car il m’a « coaché » dès le début. Avec son aide, je me suis lancé dans le grand bain, sans brassards, c’est à dire sans aucune, absolument aucune économie, mais j’ai monté et publié des petits reportages en indépendant et j’ai très rapidement obtenu ma carte de presse, en 1995. Ce n’était pas facile du tout mais, à cette époque, c’était encore possible. Tous mes investissements dans le matériel photo ont été réalisés grâce aux fruits de mon travail de photographe, avec mes droits d’auteur. Dans ces années-là, c’est un grand photographe animalier, aujourd’hui disparu, qui m’a lui aussi pris sous son aile, Jean-Paul Ferrero. Avec lui, j’ai vraiment appris à monter mes reportages et les mettre en valeur. Je dois beaucoup à ces deux photographes qui m’ont appris l’essentiel de ce que je sais aujourd’hui.

Question 2 : Tu participes à des voyages, en tant qu’organisateur ou accompagnateur, et tu animes par ailleurs des stages photo qui semblent connaître un grand succès. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces deux activités ?

Depuis le début de mon activité de photographe j’ai pratiquement toujours encadré des groupes de naturalistes ou de photographes voyageurs. Les stages photo, c’est plus récent, depuis 7 ans seulement.

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Il y a une quinzaine d’années, on m’a beaucoup critiqué pour cette activité de guide / photographe-accompagnateur, me disant que j’avais en quelque sorte vendu mon âme au tourisme. Mais pour moi, être photographe c’est un tout. C’est voyager, prendre de bonnes images, les mettre en valeur, les commercialiser, mais aussi partager ses connaissances, son expérience du terrain. Si notre métier fait toujours rêver, ce n’est pas un hasard. Les photographes amateurs ont envie d’être « coachés » par un professionnel, par un spécialiste d’un pays, d’une destination, d’un milieu naturel ou d’une espèce, et c’est logique. En ce qui me concerne, j’ai fait évoluer mes différentes activités de photographe au fil des années, et je crois être arrivé à un bon équilibre maintenant. Mais au fond, la vérité est simple : j’adore encadrer, organiser, gérer, partager ! J’adore prendre soin de mes clients, rien ne peut me faire plus plaisir dans ce métier que de pouvoir partager des moments exceptionnels avec des photographes aussi enthousiastes que moi ! Et puis, combien sont devenus des amis au fil des voyages !

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Pourtant, il y a quelques semaines j’ai entendu un photographe amateur me dire, sur le ton du reproche, « aujourd’hui il n’y a plus de photographe animalier qui ne fasse que de la photo ». Moi je crois qu’il n’y en a jamais eu et que nous avons tous plusieurs casquettes différentes.  Aux Etats-Unis ou en Angleterre par exemple, tous mes confrères photographes professionnels accompagnent des voyages depuis bien longtemps. Ce n’est qu’une des nombreuses facettes de notre métier. Faut-il le rappeler, chaque photographe indépendant est avant tout un chef d’entreprise, il doit savoir gérer des centaines de milliers d’images, les développer, les commercialiser, savoir investir, savoir anticiper, savoir travailler en équipe avec des éditeurs, des agences de presse ou d’illustration, savoir monter des projets, trouver des financements, connaître la gestion d’une entreprise, etc… Ce n’est pas juste voyager au bout du monde dans des endroits de rêve, vendre ses images très chères (évidemment !) et repartir aussitôt pour d’autres aventures, en première classe, un verre de champagne à la main avec son agent en ligne sur un téléphone satellite ! Non, ça c’est l’image romantique du photographe qui perdure dans le grand public mais qui n’a jamais existé, sauf sans doute pour quelques rares exceptions !

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Question 3 : Quels sont, au fil de tes nombreux voyages, les pays ou les régions qui t’ont le plus marqué, du point de vue de leur intérêt animalier ou naturaliste ? Ceux où tu as réussi les photos qui te semblent les meilleures ?

J’ai beaucoup voyagé à travers le monde, mais un des pays qui me fascinent le plus, c’est le Botswana. Je suis littéralement amoureux de ce pays, vaste, sauvage, aride mais magnifique. J’aime son désert, j’aime le Kalahari, ses habitants, sa faune, sa flore, et puis j’adore le Delta de L’Okavango, parce que c’est un lieu d’exception. Nulle part ailleurs on ne peut mesurer avec autant de force la valeur de l’eau et son importance pour la vie sauvage, car l’eau, en arrivant dans le désert du Kalahari, lui donne la vie, partout, à toutes les échelles. Et puis c’est un lieu qui change sans arrêt, avec les saisons, avec le va-et-vient du fleuve Okavango. Je suis retourné des dizaines et des dizaines de fois dans les mêmes endroits, et je ne les ai jamais vus deux fois pareils. C’est magique ! C’est sans aucun doute au Botswana que j’ai réalisé mes plus belles images, notamment avec cette série d’une bagarre de hyènes et de lycaons.

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Un autre pays d’Afrique qui m’a beaucoup marqué, c’est en fait un carrefour entre trois pays: l’Ouganda, le Rwanda, et le Congo (RDC). C’est un des plus beaux endroits du monde, magnifique, si riche en culture, mais aussi une des régions du monde qui a le plus souffert des conflits armés. Une vie entière ne me suffirait pas à tout découvrir dans la région des Grands Lacs.

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Enfin, rien à voir avec l’Afrique, mais l’Arctique, avec le Spitzberg, m’a profondément marqué aussi. La beauté, la pureté absolue de ses paysages, sa biodiversité si particulière, ce froid mordant avec le vent qui fouette le visage, le bruit de la neige qui se compacte sous les raquettes, les sons qui portent tellement loin, l’Arctique ne laisse personne indifférent.

Question 4 : Quelles sont, au cours de ces dernières années, tes productions (livres, reportages, expositions,…) qui t’ont apporté les plus grandes satisfactions ou, au contraire, celles qui t’ont déçu ? Pour quelles raisons ?

Il y a une quinzaine d’année, j’ai conçu un livre d’images sur le thème des marées, publié chez Glénat en 2001. J’ai travaillé des années sur le sujet, notamment en Bretagne. Le livre a été bien imprimé, bien mis en page, mais ne s’est pas vendu comme j’aurais voulu, même s’il a fait une carrière honorable. J’ai une véritable passion pour le phénomène des marées qui continue de me fasciner chaque jour.

Celui qui a le mieux marché et qui était un vrai défi d’éditeur, c’est « Sagesse africaine » que m’avait commandé Michel Lafon. Là, je me suis vraiment « éclaté » comme on dit, car il fallait trouver dans mes archives ou aller sur le terrain pour illustrer des proverbes africains avec les images qui allaient bien, pour tous les pays d’Afrique ou presque ! « Sagesse africaine », c’est le plus gros challenge qui s’est offert à moi en matière d’édition jusqu’ici. Portraits, vie quotidienne, animaux, paysages, je me suis lâché car j’avais carte blanche ! C’est devenu rare ! Et finalement, l’ouvrage s’est très bien vendu et j’en suis particulièrement fier, car il a vraiment fallu se creuser les méninges pour construire ce livre, très varié en images entre vie sauvage, patrimoine, vie quotidienne etc…

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Question 5 : Tu m’as dit un jour « une photo qui est faite n’est plus à faire », ce qui voulait dire, en l’espèce, qu’il faut profiter de toutes les opportunités qui nous sont offertes en matière de photographie animalière et que le fait d’attendre une meilleure occasion est parfois, et même souvent, une erreur. Es-tu toujours dans le même état d’esprit et - question subsidiaire - t’est-il arrivé de rater une opportunité qui ne s’est jamais représentée ensuite ? Si oui, dans quelles circonstances ?

Absolument ! Une photo de nature remise au lendemain n’est jamais prise ! Combien de fois on s’est dit, « cette fleur je la prendrai au retour avec une meilleure lumière »… Sauf qu’au retour, quelqu’un l’a cueillie, ou écrasée, ou il fait mauvais temps, ou tout simplement on ne passe plus par le même endroit… bref, c’est une règle absolue : prendre la photo lorsqu’on peut la prendre ou quand on a envie de la prendre, toujours !

Je me souviens d’avoir hésité en Ethiopie, à un carrefour sur la route qui nous menait vers le nord, dans les montagnes du Simien. A droite, on voyait le panneau qui indiquait les églises monolithiques du site mondialement connu de La Libella. Nous étions un peu pris par le temps et La Libella ne faisait pas partie de mon programme consacré aux géladas… On s’est dit « on s’arrêtera au retour »… Evidemment, au retour, nous étions encore plus pressés qu’à l’aller, et on ne s’est jamais arrêtés… Je ne me le suis jamais pardonné, car c’est un des joyaux du patrimoine mondial de l’humanité.

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